Les populations Sérères sont groupées depuis le 13 ème siècle au sud du pays Ouolofs, dans les régions drainées par les vallées et le delta commun du Siné Saloum et leurs affluents. Il existe un contraste très net entre les groupes Sérères marginaux du nord-ouest et du sud -ouest du pays et le Siné central.
Les Niominkas, dans le sud-ouest, jouissent de leur insularité. Les groupes marginaux du nord, dans un pays accidenté et, au milieu du 14 ème siècle, encore très boisé, forment des confédérations villageoises diffuses, souvent accusées de brigandage et d'agitation anarchique par les souverains du Cayor et du Baol, dont elles gênent le commerce avec la petite côte, et , pour les mêmes raisons, mal vues des autorités Françaises de Gorée, N'dout, None, Diobass, N'Dieghem, ces pays Sérères de part et d'autre de la Tamna et aux confins du Baol fourniront de multiples prétextes d'interventions aux gouverneurs.
Le Siné est le noyau dur du peuple Sérère. Plus au sud, le Saloum subit davantage les influences des peuples voisins; des groupes mandingues, toucouleurs, wolofs, peuls, sont installés sur son sol en villages distincts. Ces deux royaumes sont organisés à peu près sur le mode de états wolofs et leur ont même emprunté une partie de la politique officielle; ainsi, le roi ou Mad est plus généralement appelé Bour, dénomination qui s’applique aussi aux petits Mad, chefs de province ou de localités importantes. Résultat, de la pression successive d’au moins trois groupes principaux : Socé, Sérère, Gelwar, Ces états portent la marque de leurs traditions superposées, et du contact prolongé avec des Wolofs.
La différence essentielle réside dans le manque d’influence de l’islam auprès des Sérères. Malgré la présence précoce-dès le 16 ème siècle de toucouleurs et de madingues, l’islam n’a pas gagné de nombreux adeptes. Les villages toucouleurs, autour de leurs mosquées, forment des corps étrangers à l’âme Sérère. Les marabouts de cour, utiles aux souverains, n’ont eu qu’un dérisoire rayonnement religieux, et c’est en pays Sérère que l’on trouve l’exemple d’une véritable guerre de religion à l’européenne.
Pas lejihad classique, où les soldats de l’islam balaient rapidement leurs adversaires et les forcent à la soumission . Ici, de 1860 à 1867, la tenace et victorieuse résistance du Siné tiendra en échec les talibés de l’almani Maba, soutenus pourtant par les cavaliers de Lat Dyor et d’Al Bouri N’Daye.
A-) Origine et migration des Sérères
Nous ne savons rien de concret sur l’origine des sérères. Pinet-Laprade (1865) et, après lui, Bérenger-Féraud (1872), Lasnet (1900), Courtet (1903), Sabatié (1926), font venir les Sérères du sud du Gabou en haute Gambie. Aujourd’hui, on admet que les Sérères eurent leur premier habitat dans l’ouest du Hodh et dans la Mauritanie actuelle.
Cheikh Anta diop les fait même venir du Haut-Nil :"D’après le dictionnaire de Pierret, Sérère signifierait en Egyptien « qui trace le temple » .Ceci serait conforme à la situation religieuse actuelle : ils sont l’une des rares populations Sénégalaises encore réfractaire à l’islam. Leur passage serait jalonné par des pierres levées, depuis l’Ethiopie jusqu’au Siné-Saloum, leur localisation actuelle".
Les Sérères eurent ensuite comme étape importante de leurs migrations, le Fouta-Toro où ils furent les vassaux du roi du Tékrour. Maurice Delafosse dit que ce pays devrait "renfermer non seulement les ancêtres des Toucouleurs, mais aussi ceux des Sérères. La poussée Berbère vers le sudcontraignit les Sérères du 11 ème au 14 ème siècle à s’enfoncer dans le pays des Ouolofs , d’abord , et ensuite dans le Siné, au sud de ces derniers".
Henri Gravand(1) ajoute que quatre séries de preuves peuvent être formulées pour montrer qu’il y a eu, une longue cohabitation des Sérères et des toucouleurs dans le Fouta-toro ;
- les traditions de village, au sud du Siné à plus forte densité Sossé, sont unanimes à rapporter que leurs ancêtres viennent du pays des Toucouleurs. Certains donnent la liste des étapes de l’exode(2).
- Le "cousinage" exceptionnel entre Sérères et Toucouleurs avec les privautés domestiques que cela comporte, ne peut s’expliquer sans cette longue cohabitation.
- Les ressemblances linguistiques ne peuvent pas s’expliquer autrement. Les deux se sont fais de mutuels emprunts et dans de nombreux cas, elles emploient les mêmes racines, quand ce n‘est pas exactement, les mêmes formes et les mêmes attraits.
- Des vestiges Sérères ont été retrouvés au Fouta, d’autres dans le Djolof, pendant l’exode. Ce sont des puits, des tombeaux attribués par la tradition locale aux Sérères, et même des colliers typiquement Sérères, si l’on en croit la descendante du Bourba, Djolof Bouna N’Daye.>>
H-Gravand reconnaît que "les causes de l’exode du Fouta sont peu connues. Elles se rattachent à l’islamisation de la vallée du fleuve. On pense, d’une manière très conjecturale d’ailleurs, que cet exode dut coïncider avec l’effondrement de l’empire du Ghana, consécutif à l’invasion des Almoravides. L’islamisation de la vallée inaugura une période d’instabilité. Les Sérères farouchement attachés à leur conception fétichiste de la vie, refusèrent de plier devant l’ordre nouveau ? On peut le croire et situer au 12 èmes ou au 13 èmes siècle la migration des Sérères vers le Djolof, puis vers le Siné où venaient de les devancer les colons Sossés".
B-) Arrivée et installation des Sérères
Durant leur mouvement vers le sud, les Sérères rencontrèrent donc quelques tribus Manding, venus du sud, du pays Gabou.D’après Pinet Laprade, elles avaient été attirées là par leur esprit mercantile et s’étaient établies sur la côte que fréquentaient les premiers navigateurs. D’après Gavrand, c’étaient des chasseurs en quête de terrains de chasse, ou des pionniers à la recherche de concessions, voire des exilés politiques. On trouve leurs traces de la presqu’île du Cap-vert d’où ils sont chassés par les Lébou, et dans la région du Portudal. Mais on retrouve encore à l’intérieur .Gravand dit "nous pensons avoir retrouver les traces d’une forte installation dans la région de Diakhao où cinq grands tumulus d’un style inconnu aux Sérères donne une idée de cette société que leur arrivée allait disloquer".
Les Sossé, trop aventurés vers le nord, se replièrent donc vers le sud, non sans reboucher les puits. A Bikol, ils le firent avec une pierre monolithique que personne n’osait dégager."La rencontre historique des Sérères et des Sossé, écrit Gravand, eut lieu près de Niakhar, au village de Sagne-Folo.Par respect pour ce lieu mémorable, on ne doit pas prononcer son nom, mais l’appeler seulement « Ndiaté »(le petit village).D’après la légende , les Sossé y précédèrent les Sérères d’une nuit .En arrivant, ils se dirent en Mandingue : « passons ici l’hivernage ».Ils creusèrent un puit et allumèrent un grand feu…Les Sérères virent le feu toute la nuit. A l’aube, ils refusèrent de cohabiter avec les Sossés et s’installèrent à l’écart".
Les Sérères s’établirent dans les régions les plus favorables à la culture, séparés les uns des autres par d’épaisses forêts. Et finalement les Sossés furent absorbés par eux.
Ils se divisent en deux groupes connus sous les noms de Sérère None et de Sérère Sine, dont le langage est le caractère le plus distinctif, bien que les dialectes soient légèrement différents. Les premiers parlent le None et habitent le sud du Cayor, les seconds parlent le Njéguem et peuplent le Boal, rive du Saloum. A côté d’eux cohabitent d’autres groupes ethniques installés surtout dans les régions périphériques : Manding au sud (Niombato, Rip, Koular), Lébou à l’ouest, Wolof au nord, dans le Baol oriental où, mêlés aux Sérères, ils forment les Mbalongguiafère, et enfin les Wolof, Peul et Toucouleur a l’est (Signi, Ndoukoumane, Pakala).Les Sérères acceptent les Ouolofs, vivent amicalement avec les Sossés, concèdent des quartiers aux Peuls, et se mélangent avec les Toucouleurs avec qu’il y a parenté.