Mbégane Ndour le fondateur du Saloum au 15e siècle est sans doute l’une des plus grandes figures historiques de Sénégambie. Petit neveu de Maysa Wally Dione né à la cour du roi du Sine, sa diplomatie active à contribué dès cette époque, à la construction de la nation sénégalaise. Même si lors de sa conquête il a tué successivement (les jihadistes ?) Lam Toro Ely Banna Sall et Diattara Tambédou, il aurait épargné un Peul du nom de Ilo déjà installé dans la région (Diouf 1996). Il aurait ensuite agrandi et consolidé le royaume avec l’aide d’un grand chef religieux soninké musulman du nom de Saloum Souaré,[1] le fondateur du mouvement des Diakhanké pacifistes[2]. Le marabout lui aurait remis une eau bénite qu’il répandit partout où il voulait voir s’étendre son royaume[3]. C’est pour cette raison que le conquérant décida de changer l’ancien nom sèrère du pays appelé Mbey[4], pour celui de Saloum. En commémoration de cette collaboration bénéfique qui a abouti au tracé d’un pays multiethnique et multiconfessionnel devenu le centre géographique du Sénégal contemporain, les responsables traditionnels du Saloum pourraient prendre l’initiative de renouer fraternellement avec les Diakhanké de Casamance pour magnifier les relations anciennes des deux familles, à l’image de la célébration organisée chaque année par les autorités de Diakhao (Sine) avec les hauts responsables de la Confrérie des Mourides, en commémoration du témoignage du roi du Sine Koumba Ndoffène Diouf II en faveur du vénéré Ahmadou Bamba devant l’autorité coloniale.
Mbégane est cité dans les sources et les traditions comme roi du Saloum, du Sine et du Baol (Colvin1981 p 36 ; Suret Canale ; Gravrand 1990 p17). Il a aussi favorisé de nombreuses alliances avec des pays et souverains de la région. La présence significative de l’aristocratie et des populations wolofs au Saloum, présence postérieure à l’empire du Djolof est le résultat de sa propre diplomatie. Entre autres initiatives, il avait donné en mariage sœur, sa fille ou sa nièce Mengue Ndour au Bourba Djolof Dielen oum Nioul, mariage qui serait à l’origine du village de Lat-Mengué dans le Saloum (Bouri Ba). C’est également sous son règne semble-t-il que les Ndao auraient rallié le Saloum. Mbégane personnage aventureux fils d’un chasseur sèrère du Saloum et d’une mère guelwar du Sine a visité de nombreux pays voisins (Bouri Ba p.18). Il a ainsi crée ou plutôt donné son nom au village de Ngaye Mekhe dans le Cayor. Il s’était rendu dans cette localité habitée par des artisans wolofs en vue de se faire confectionner des selles pour sa cavalerie. Comme les habitants se pressaient pour le voir, il dit : « c’est moi que vous voulez voir ? Eh bien « venez me voici ! » : Ngar yo mexey ou mekhey est ainsi devenu Ngaye Mekhé (Lat Djiké Ngom Archives culturelles, C.E.C ; Bouri Ba ; Radio Dakar). Il aurait aussi donné sa fille Mbossé à Koly Tenguella Ba, qu’il a aidé dans sa conquête du Fouta Toro (Colvin). Mbossé aurait donné son nom à la province du Fouta appelée Bossea. L’iguane Mbossé est aussi le nom du génie tutélaire de la ville de Kaolack. Il est devenu un prénom féminin. En s’alliant à Koly dit Gravrand, il a même dicté sa loi jusqu'à la vallée du Sénégal (Gravrand 1990 p17). Les toponymes du Fouta appelés Cangol Guelwar ou colline du Guelwar et Wendu Guelwar mare du Guelwar que l’historien lui-même croit être « typiquement peuls » datent peut-être de cette équipée (Kane 1986).
Outre ses relations avec les royaumes mandingues de la vallée de la Gambie, il est attesté que jusqu’au 19e siècle, les rois guelwars du Sine et surtout du Saloum entretenaient des relations suivies avec les rois mandingues du Gabou en Guinée Guinée Bissau, pays d’origine des Guelwars eux-mêmes (Sékéné M. Cissoko Colloque sur le Gabou Ethiopiques n°spécial 1980 p 89 Dakar). Le roi guelwar et sa sœur que Hecquard trouva au Gabou en plein 19e siècle prétend que ce sont les rois du Saloum qui auraient enseigné aux souverains mandingues de la dynastie des Nianthios du Gabou, la transmission du pouvoir par les femmes[5].
Clairement le Saloum a toujours été le centre de gravité du Sénégal. En dehors de Dakar dont la métropole est une création coloniale, c’est le seul pays traditionnel où l’on trouve peut- être dès le 16e siècle, quasiment toutes les communautés du Sénégal du nord au sud et de l’est à l’ouest. On y trouve même une communauté, originaire du Burkina Faso appelée Thiouraba.
[1] Des traditions disent que Saloum ou Salomon serait en réalité un Cissé de la dynastie du Ghana dont certains des membres convertis seraient devenus une noblesse de robe.
[2] Voir http://diakhanke-family.skyrock.com/2378010325-mais-qui-etait-donc-el-hadj-salim-souare-le-premier-diakhanke.html.
[3] Les limites du Saloum selon Abdou Bouri Bâ étaient l’arbre bankanasse ( icacina senegalensis).
[4] Le Sine a été fondé par des migrants sèrères en provenance de Sanghana ou Sineghana devenu le Walo des Wolofs. En revanche, le toponyme Mbey et l’origine des Sèrères du Saloum ne sont pas connus.
[5] Cette tradition est bien connue des historiens. Il est attesté que jusqu’au 17e siècle (?) la transmission du pouvoir était patrilinéaire au Gabou. Or ce pays est traditionnellement connu comme une » terre des femmes » ou mousso banco. Si on y ajoute que des historiens comme Ngaidé, Arcin et d’autres encore font des migrants sèrères en Sénégambie méridionale les fondateurs d’un royaume pré manding, un certain nombre de points doivent être clarifiés concernant les guelwars au Gabou |