« Qui sous-estime ses origines, peut perdre son prénom mais pas son nom »
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Ecole de Lutte Ambroise Sarr: Une fabrique de champions qui manque d’infrastructures
Publiée le : 06/05/2016 - Source : lesoleil

Créée en 2005, l’école de lutte Ambroise Sarr est une véritable fabrique de champions. Pas moins de 7 internationaux de lutte portent actuellement les couleurs de cette structure basée à Palmarin. Un savoir-faire hérité de leurs prédécesseurs, Ambroise Sarr et Pierre Téning Sarr notamment. A cela s’ajoute, un cadre naturel, la plage, propice à la pratique de ce sport. Mais, tout n’y est pas rose.

Qu’est-ce qui fait la belle réputation du village de Palmarin ? L’ancien capitaine de l’équipe nationale de lutte, Babou Seck, donne la réponse sans hésitation. Selon lui, ce ne sont ni son paysage pittoresque, ni ses beaux cocotiers encore moins ses eaux poissonneuses mais plutôt ses lutteurs réputés très techniques. « A lui seul, Palmarin compte une trentaine de médaillés aux championnats d’Afrique et aux tournois de la Cedeao, en plus des nombreuses autres distinctions de ses fils à l’occasion du Drapeau du chef de l’Etat. Pour les tournois de lutte simple, ce sont, chaque année, des dizaines de trophées qui entrent à Palmarin », justifie-t-il.

Un leadership incontestable de ce village qu’illustre à merveille la longue liste des internationaux qui portent actuellement les couleurs de l’écurie locale, l’école de lutte Ambroise Sarr. Dans cette liste, figurent notamment Mamadou Gaskell Diamé, Babou Seck, Joseph Mboundor Seck, Cheikh Ndiaye, Fodé Sarr, Albert Koute et Birama Ndour, tous des ténors très connus dans le milieu de la lutte traditionnelle mais également à l’échelle sous-régionale pour avoir à plusieurs reprises défendu avec brio les couleurs de l’équipe nationale. La suprématie de Palmarin dans la lutte se confirme aussi par le fait que pas mal de ses fils sont éparpillés un peu partout dans les autres écuries ; tant le village regorge de talents.  
C’est notamment le cas de Youssou Ndour (écurie Ndakaru), Alizé (Rock énergie), Drogba et autres Samba Ndeleng (Keur Massar). De même, beaucoup de régions font appel à l’école de lutte Ambroise Sarr à l’occasion du Drapeau du chef de l’Etat. Lors de la précédente édition en 2011, elles étaient pas moins de quatre régions à avoir enrôlé des produits de cette écurie : Diourbel, Fatick, Kaffrine et Dakar.

Les filles aussi s’y mettent
Les succès de l’école de lutte de Palmarin sont aussi à chercher dans l’encadrement technique de qualité de celle-ci dont le premier responsable n’est autre que l’entraîneur national de lutte Ambroise Sarr. Cependant, si la domination de Palmarin s’est davantage accentuée aujourd’hui, il n’en demeure pas moins qu’elle date de très longtemps. Bien avant la génération actuelle, celle de Pierre Téning Sarr et de Guedj Diop, le père de Babacar Mbissine Diop, avait déjà inscrit en marbre le nom de Palmarin dans l’histoire de la lutte sénégalaise. Puis arrive la bande à Ambroise Sarr qui a tenu la dragée haute aux Double Less et autres Mbaye Guèye. C’est dire la longue tradition de lutte de ce village, perdu derrière Joal-Fadiouth, et qui fait face à l’océan Atlantique. Un cadre naturel agréable, propice aux loisirs et à la pratique de l’activité sportive en particulier la lutte. Ce qui fait que presque tout le monde ici est adepte de ce sport.

Les après-midi, les plages sont prises d’assaut par les jeunes et les enfants pour se jauger. Et la gent féminine qui semblait un peu en marge a commencé depuis la saison passée à s’intéresser au principal sport local. D’ailleurs, selon l’entraîneur de l’école de lutte Ambroise Sarr, Mignane Diouf, cette structure compte actuellement des filles parmi ses pensionnaires avec pour objectif de promouvoir la lutte féminine dans la localité. Pour les garçons, son souci porte plutôt sur la problématique de leur reconversion dans la lutte avec frappe. « On a l’impression que les promoteurs nous ont oubliés. Et ce n’est pas normal car tout le monde connaît l’école de lutte Ambroise Sarr, ses dirigeants mais aussi ses porte-étendards, tous pétris de talent », déplore le coach Mignane qui est également professeur d’éducation physique au Cem du village. L’autre défi qui reste à relever, à son avis, a trait au manque d’infrastructures sportives à même de favoriser davantage la pratique de la lutte.
Il affirme qu’un premier pas a toutefois été franchi avec l’acquisition depuis l’année passée d’un terrain qui va héberger  le siège de l’écurie et des salles de sport. Il lance un appel à toutes les bonnes volontés et aux autorités, notamment de la zone, pour une concrétisation de ces projets.

Actuellement, l’école de lutte Ambroise Sarr compte une quarantaine de sociétaires. Une structure où se côtoient les doyens (Diama, Babou Seck et Babacar Mbissine Diop) et les jeunes loups aux dents longues comme Mamadou Gaskell Diamé et autre Fodé Sarr qui assurent d’ores et déjà la relève.

Les têtes de file de l’écurie

JOSEPH MBOUNDOR SECK : Le vétéran qui refuse d’aller à la retraite
Un des plus adulés de la localité, Joseph Mboundor Seck, le doyen de l’école de lutte Ambroise Sarr, a un parcours qui force le respect. En 11 ans de carrière, il a gravi tous les échelons dans la lutte simple.

Surnommé « Yaala Kobalé », qui signifie littéralement « le roi de la brousse » en référence à ses innombrables trophées, Joseph Mboundor Seck est aujourd’hui le doyen de l’écurie. L’un des plus charismatiques et adulés aussi de la localité. « Il se peut qu’il fasse une démonstration demain et dans ce cas, tu verras combien il est aimé des villageois !», nous a glissé, visiblement subjugué, son entraîneur Mignane Diouf, la veille de la clôture du tournoi de lutte de l’entraîneur national Ambroise Sarr organisé à Palmarin, le week-end dernier.  Une véritable histoire d’amour donc entre Joseph Mboundor Seck et les amateurs de la zone qui a débuté en 2002, année où il a fait son entrée dans la lutte contre les conseils de sa maman. « J’étais pêcheur et, en même temps, je m’essayais à la lutte ; ce qu’ignorait ma mère. Un jour, je lui ai dit que je comptais dorénavant embrasser une carrière de lutteur en dépit de son désaccord », explique-t-il. Au finish, sa passion pour la lutte l’a emporté sur l’opposition de sa maman. C’était en 2002 et depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En 11 ans de carrière, le vétéran de l’école de lutte Ambroise Sarr (35 ans) a gravi tous les échelons en lutte simple. De Palmarin son fief, en passant par les villages environnants, Kaolack, Fatick jusqu’à en Gambie, il a tout gagné. Une véritable razzia avec en prime, un nombre incalculable de bœufs. « Je ne peux pas les compter, tant ils sont nombreux », martèle avec fierté Diama, qui dit n’avoir pas eu la lutte dans le sang, contrairement à la plupart de ses coéquipiers.  Sélectionné en équipe nationale de lutte en 2006-2007 (l’apothéose), il participa avec succès au tournoi de la Cedeao de Niamey, en reportant 2 médailles d’or, une en individuelle et une autre en équipe. Il réédite cet exploit, la saison suivante au championnat d’Afrique de lutte simple organisé à Dakar et hôte remporté haut la main par le Sénégal. Autant de prouesses qui font de lui un lutteur expérimenté et complet. Et c’est, à son avis, ce qui est justement à l’origine des nombreuses difficultés qu’il éprouve pour trouver des adversaires dans la lutte avec frappe. Depuis deux ans, il y cherche désespérément chaussures à ses pieds.

« Depuis ma victoire sur Dolf en 2010, je n’ai plus disputé la moindre compétition en lutte avec frappe. C’est lié au fait que nos potentiels adversaires nous craignent, en raison de notre brillant parcours en lutte simple mais également en équipe nationale », se convainc Joseph Mboundor Seck. Il refuse malgré tout de baisser les bras. A 35, ans, il pense qu’il a encore largement le temps de réaliser son vœu qui est de titiller le sommet de la lutte avec frappe.

BABOU SECK : Les regrets de l’ancien capitaine
Internationaux parmi les plus titrés du pays avec une douzaine de médailles à son actif, Babou Seck, regrette d’avoir trop perdu du temps dans la lutte simple. Une expérience qu’il veut à tout prix éviter à ses plus jeunes coéquipiers à qui il conseille d’intégrer vite la lutte avec frappe.

Lui n’a pratiqué que la lutte simple et c’est cela son plus grand regret. Pas parce que Babou Seck n’y a pas rencontré le succès escompté, mais parce que la lutte simple a, à son avis, été d’un grand handicap dans sa tentative de reconversion dans la lutte avec frappe. « L’encadrement de l’écurie fait tout son possible pour me dégotter des face-à-face mais en vain. Aucun lutteur ne veut prendre le risque de se mesurer aux pensionnaires de l’école de lutte Ambroise Sarr dans la mesure où la plupart d’entre nous ont fait l’équipe nationale », martèle le poulain d’Ambroise Sarr, avec un air de fierté. Une expérience qu’il veut à tout prix éviter aux plus jeunes de l’écurie qui assurent actuellement la relève. « Diama et moi, nous avons perdu beaucoup de temps dans la lutte simple ; même si nous y avons connu tous les honneurs. Et c’est cette erreur que les jeunes ne doivent pas reproduire. Il faut qu’ils aillent rapidement dans la lutte avec frappe ; d’autant qu’ils sont tous de potentiels rois des arènes », ajoute, avec conviction, l’ancien capitaine de l’équipe nationale. A l’image du doyen Joseph Mboundor Seck, Babou Seck s’est fait un nom dans le monde de la lutte. Sélectionné six fois en équipe nationale, il est aujourd’hui l’un des plus titrés avec une douzaine de médailles à son actif, or, argent et bronze confondus. Dans le milieu de la lutte, il compte beaucoup d’admirateurs. En premier lieu, les responsables de l’instance dirigeante de la lutte qui ont toujours apprécié son patriotisme. Ce qui lui a valu d’être capitaine de l’équipe pendant plusieurs années. Depuis sa dernière convocation en équipe nationale, en 2011, il s’est néanmoins mis en retrait. Même en lutte simple, ses apparitions sont de plus en plus très rares.

MAMADOU GASKELL DIAME : Le jeune loup aux dents acérées
Entré dans la lutte en 2008, Mamadou Gaskell Diamé n’entend pas perdre son temps dans la lutte simple, contrairement à la plupart de ses coéquipiers. Sélectionné dans l’Arena Tour de cette année, il est en passe de réussir sa reconversion avec déjà 4 victoires en autant de sorties.

Le conseil du doyen Babou Seck à ses jeunes coéquipiers de ne pas s’attarder dans la lutte simple n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Entré en lutte sans frappe en 2008, Mamadou Gaskell Diamé a entamé cette saison une nouvelle étape de sa carrière en intégrant la lutte avec frappe. Un début époustouflant avec déjà 4 victoires en autant de sorties. De belles performances qui le placent en tête dans la poule B de l’Arena Tour et qui font de lui un sérieux prétendant au sacre. Suffisant pour ne plus vouloir revenir à ses premiers amours, comme il le soutient : « J’ai émis le vœu de ne plus pratiquer la lutte sans frappe. Tout dépendra de ma reconversion.

C’est sûr que si je remporte l’Arena Tour, les perspectives d’une carrière dans la lutte avec frappe vont davantage s’ouvrir », martèle-t-il avec espoir. Issu d’une famille de lutteur (ses deux grands frères Samba Ndeleng et Drogba sont des lutteurs), Mamadou Gaskell Diamé, à l’image de beaucoup de ses coéquipiers, a remporté beaucoup de trophées.

Un talent reconnu qui a été à l’origine de sa sélection en équipe nationale de lutte en 2011 lors du Tournoi de lutte africaine de la Cedeao. Une compétition où il avait d’ailleurs obtenu deux médailles d’or, une en équipe et une en individuel. Autant d’expérience qui annonce pour ce jeune de 22 ans un avenir radieux dans l’arène.

Reportage à Palmarin de Diégane SARR (textes) et  Abdoulaye MBODJ (photos)

 
 
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