Lesoleil - Mardi 13 juillet 2010
Ngallou, Sessène, Facao, Ngoulmane, Ndiakhanor, aucun des cinq villages de la Communauté rurale de Palmarin, encore moins le hameau de Djifère, n’est épargné par la menace des eaux. La superficie terrestre de la localité se réduit comme peau de chagrin. De sorte que le projet-pilote « Adaptation aux changements climatiques et côtiers en Afrique de l’Ouest (Accc) -2009 à 2011 », mis en œuvre dans la Communauté rurale semble apporter une goutte d’eau dans l’océan !
En sortant de Sambadia pour aller vers Palmarin, la forêt d’épineux et les terres cultivables laissent vite la place à une vaste étendue de terres salées appelées en pays seereer « Tan », par référence à la couleur blanche du sel. Ces terres plongeant sans transition dans la mer, sont plus connues sous l’appellation « la pointe de Sangomar », nom évocateur parce que donné aussi à l’avion de commandement présidentiel. Le premier président de la République, Léopold Sédar Senghor, pour avoir vu le jour et vécu dans la localité, les connait bien. Beaucoup de ses textes y font référence.
En remontant cette latérite qui serpente dans les « Tan », un panneau donne l’adresse : « Sortie de la réserve de Palmarin ». Jean Laurent Kaly, le chef du projet « Adaptation aux changements climatiques et côtiers en Afrique de l’Ouest » (Accc) renseigne sur les points focaux du Mécanisme régional de coordination de l’Organisation des Nations unies au service des approches thématiques du Nepad (Mrc) venus voir, sur les lieux, les effets des changements climatiques. « Nous sommes ici sur la Pointe de Sangomar. C’est une flèche, une presqu’île avec d’un coté le fleuve et de l’autre l’océan. C’est une zone très fragile formée par des amas de coquillages. En période de marée haute, les eaux envahissent les terres », dit-il. Résultats des courses, cette étroite bande de terre de 93 km2 et peuplée de 10.330 habitants, formant la Communauté rurale de Palmarin, est en grande partie recouverte d’eau salée. La partie centrale de la presqu’île concentre l’essentiel des terres habitables et cultivables. On y trouve aussi une savane arbustive et une importante mangrove. Quelques oiseaux aquatiques picorent dans les cours d’eau, d’autres lissent leurs plumages. Les rayons du soleil au zénith donnent un reflet éclatant aux eaux salées.
Menaces sur une richesse inestimable
L’air est pur, la vue dégagée. Le climat est frais et humide. Sur un pont enjambant un cours d’eau, un grenier sur pilotis et quatre tableaux donnent de plus amples informations sur le terroir, sa culture et sa langue.
« La Flèche de Sangomar », « La réserve de Palmarin », « Yokam » et sa signification en français : « abrites-moi sous la fraîcheur de ton ombre ». Plus loin, dans ces « Tan », appelés ailleurs « Bolongs », des manœuvres creusent un tracé parallèle à la route. Il y a des tuyaux à côté. Sans doute, c’est l’axe Notto-Ndiosmone-Palmarin, un projet des autorités sénégalaises visant à assurer l’alimentation en eau potable des villages situés le long de cette ligne. Les étendues d’eau alternent avec les terres salées. Quelques îlots de coquillages se détachent abritant des bosquets et quelques baobabs. Des monticules de sel renseignent sur une des activités principales des femmes de ce terroir. Elles sont plus importantes à l’entrée du village de Palmarin Ngallou.
Samuel Seck, le Président de la communauté rurale (Pcr) dit son inquiétude : « Nous sommes confrontés à beaucoup de problèmes, surtout celui de l’érosion, de la dégradation de la surface habitable, parce que, nous avons des plages mortes et des pentes abruptes où les eaux montent ».
Selon le jeune Pcr, beaucoup d’habitations et d’écosystèmes sont engloutis par les eaux. En témoignent la récente catastrophe naturelle qui a occasionné la disparition en 1989 du village de Palmarin Diakhanora. Pendant cette année, les vagues avaient englouti le village qui a été déplacé, par la suite, un peu plus loin, mais toujours est-il qu’il n’échappe pas encore aux menaces.
Selon M. Seck, l’océan a englouti en trente ans presque deux kilomètres de terre. Un opérateur privé dans le secteur du tourisme témoigne : « cette année, la mer a avancé de dix mètres environ. Elle a avancé, en moyenne, de deux mètres par an ».
Le Pcr estime que toute la flèche est menacée de disparition, surtout Djifère qui est « le poumon économique de la Communauté rurale », abritant le port de pêche et celui d’embarquement vers les îles du Saloum. Plus que tout autre, le Pcr est conscient de la menace que constitue l’avancée de la mer. « Notre cri du cœur, c’est qu’on nous sauve ! », lance-t-il à l’endroit des autorités.
Palmarin a la chance d’abriter le projet-pilote d’Accc au Sénégal, à l’image deNouakchotten Mauritanie, de l’île de Mao au Cap-Vert, de la Tanji Bird Reserve en Gambie et de Varela en Guinée-Bissau. Il est le théâtre des « activités permettant de renforcer la capacité d’adaptation et la résistance des écosystèmes côtiers et des communautés locales aux impacts du changement climatique ». Son coordonnateur national, Jean-Laurent Kaly, explique : « Accc vient contribuer au renforcement du tapis végétal, travailler sur la prise de conscience et l’implication de la Communauté rurale, appuyer les populations par des activités génératrices de revenu et étudier les possibilités de délocalisation des populations des zones menacées.
Quatre coupures de la pointe en moins d’un siècle
La Pointe de Sangomar a été coupée à quatre reprises en moins d’un siècle. Mais, les populations ne prennent pas au sérieux le danger, surtout à Djifère où, 80% de la population du hameau, selon le Pcr, sont des saisonniers. A Djifère, où la largeur de la bande ne dépasse guère 300 mètres, les habitations sont denses, serrées les unes aux autres. La terre est basse et sans doute la plus sablonneuse de la pointe. Les vagues s’abattent inlassablement sur le rivage, accentuant davantage l’érosion côtière. Quelques arbustes, les racines dans l’eau, démontrent l’avancée de la mer. Des piles de sacs de sable forment un barrage de fortune devant les eaux furieuses de l’océan. « En dépit des risques constants, ils construisent toujours ! », fait remarquer Jean-Laurent Kaly.
Selon Samuel Seck, « à côté des barrages biologiques, il faut des barrages mécaniques, comme c’est le cas à Popenguine, Rufisque ou encore Mbao ». Il fait référence, aux barrages en dur, construits par les autorités dans ces localités susmentionnées.
Pour sa part, l’attaché de presse du Bureau du représentant spécial pour l’Afrique des Nations unies, qui fait partie des points focaux, François Charlier, « l’érosion côtière ici est un problème grave ». Il estime qu’« il faut agir ». En attendant la vie continue à Palmarin, les menaces avec. A l’extrémité sud de la pointe, non loin du point d’embarquement, des femmes transforment du poisson à l’aide de fumoirs modernes. Au large, les pirogues font la liaison entre Djifère et les îles du Saloum. A environ deux kilomètres en amont, le quai de pêche construit depuis longtemps attend toujours ses occupants.
Un reportage d’Aly DIOUF
Lesoleil |